Après des années de restrictions, une nouvelle dynamique voit le jour dans les zones rurales françaises, où les pharmacies, autrefois en déclin, pourraient faire leur grand retour. Un décret d’application récent autorise désormais l’ouverture de nouvelles officines dans les communes de moins de 2.500 habitants, répondant ainsi aux besoins croissants des territoires désertés par les services de santé.
Un décret attendu depuis six ans
Le décret qui permet de lever les restrictions à l’installation des pharmacies en zones rurales découle d’une ordonnance datant de janvier 2018. Pendant six longues années, ce texte n’a jamais été mis en œuvre, laissant des centaines de petites communes sans officines pour desservir leurs habitants. Les législateurs avaient pourtant alerté sur l’urgence de revitaliser ces déserts médicaux et pharmaceutiques, avec des propositions de lois pour accélérer la mise en place de ce dispositif. Finalement, en juillet 2024, le décret est officiellement entré en vigueur.
Un cadre plus souple pour encourager l’installation des officines
L’une des grandes avancées de ce décret est la possibilité offerte aux pharmaciens d’ouvrir des officines dans les communes de moins de 2.500 habitants. Jusqu’à présent, ces installations étaient bloquées par des critères géo-démographiques stricts, notamment l’exigence d’une population minimale dans la commune ou encore l’interdiction d’ouvrir une nouvelle pharmacie en cas de saturation locale. Désormais, les Agences régionales de santé (ARS) ont la latitude de délivrer des licences d’exploitation pour les pharmacies dans des territoires dits “fragiles”, qui auparavant ne répondaient pas aux exigences légales.
Les petites communes peuvent se regrouper pour atteindre les seuils nécessaires. Si un village compte 2.000 habitants et qu’il est entouré d’autres petites communes, elles peuvent ensemble remplir les critères d’éligibilité. Il est également possible d’ouvrir une officine près d’un centre commercial ou d’une maison de santé, même si la population ne dépasse pas le seuil requis.
Une réponse à la crise des pharmacies en France
La désertification pharmaceutique est un problème majeur en France. Depuis plusieurs années, le nombre de pharmacies diminue de façon inquiétante. Entre 2019 et 2024, la France a perdu environ 1.000 officines, ce qui représente une baisse de 5%. Les pharmacies, malgré leur rôle essentiel pendant la pandémie, continuent de fermer, surtout dans les zones rurales. Certaines sont même en vente pour un euro symbolique, sans réussir à trouver de repreneurs.
Le ministère de la Santé estime que le nombre total de pharmacies est passé sous les 20.000, soit une diminution de près de 4.000 en quinze ans. Ces fermetures successives laissent des territoires entiers sans services pharmaceutiques, obligeant les habitants à parcourir de longues distances pour se procurer des médicaments ou consulter un pharmacien. Ce phénomène de désertification, déjà visible chez les médecins généralistes, touche désormais les officines, créant un véritable problème de santé publique.
Vers une réorganisation des services de santé de proximité
La publication de ce décret ouvre la voie à une réorganisation des services pharmaceutiques dans les zones rurales. Si le texte est salué pour ses assouplissements, la question de l’attractivité reste centrale. L’objectif du gouvernement est de créer des incitations pour que les jeunes pharmaciens choisissent de s’installer dans ces territoires moins denses, souvent considérés comme moins attractifs par rapport aux grandes villes.
Des initiatives locales, comme des aides à l’installation ou des partenariats avec des maisons de santé, sont en cours d’élaboration pour redonner vie à ces zones désertifiées. Les ARS, en concertation avec les élus locaux, travailleront à identifier les territoires où la demande est la plus urgente et où les besoins en pharmacies sont les plus criants.
Des défis à surmonter pour revitaliser les villages
Malgré ce décret encourageant, les défis pour redynamiser les territoires ruraux restent nombreux. Attirer les pharmaciens dans ces zones implique de leur proposer un cadre de vie attractif, des infrastructures adaptées, et des conditions de travail satisfaisantes. Des dispositifs complémentaires, tels que des exonérations fiscales, des aides à la reprise d’officines en difficulté, ou encore des subventions pour l’équipement des nouvelles pharmacies, devront être envisagés pour encourager les installations.
Le gouvernement devra également surveiller de près l’évolution de ce décret pour s’assurer qu’il produit les effets escomptés. La désertification des services de santé en milieu rural ne se limite pas aux pharmacies, mais touche l’ensemble du système médical. Il est donc essentiel que cette initiative s’inscrive dans une stratégie plus large de revitalisation des soins de proximité.
Conclusion
L’assouplissement des règles d’implantation des pharmacies est une étape importante dans la lutte contre la désertification médicale en France. Ce décret, tant attendu, redonne de l’espoir aux habitants des petites communes, souvent privés de services essentiels. Cependant, pour que cette mesure ait un impact durable, il faudra aller plus loin, en renforçant l’attractivité des territoires ruraux et en soutenant concrètement les pharmaciens qui choisiront de s’y installer. Le succès de ce dispositif repose donc sur une stratégie globale, alliant soutien financier, infrastructures adaptées et partenariats locaux.